<44>A moins que le démon qui l'obsède et l'inspire
Ne verse encor sur eux les flots de sa satire.
Dans la proximité des États de ce roi,
Sur un peuple abruti, sans police et sans loi,
Il est un souverain, vrai roi de l'anarchie,
Élevé par hasard à cette monarchie;
Amoureux de ruelle, et prince sans vigueur,
Il est Russe, il est Turc, rien dans le fond du cœur.
Tandis que la discorde à ses yeux se déchaîne,
Que le royaume en feu ne se soutient qu'à peine,
Tranquille en son palais, son âme est sans ressort,
Il laisse la fortune arbitre de son sort.
Si je voulais encor grossir ce catalogue,
J'aurais un magasin de matière analogue;
Mais il est des sujets que l'on doit respecter,
N'écrira jamais bien qui ne sait s'arrêter.a
Ah! qu'en réflexions cette matière abonde!
Voyez ces vils mortels, ils sont maîtres du monde;
Qui ne passera pas, s'il s'arrête à leurs mœurs,
Du mépris de ces rois à celui des grandeurs?
Arbitres des humains, et demi-dieux sur terre,
Ce sont ces fainéants qui lancent le tonnerre;
Tout accourt à leur voix, leurs sujets de tout rang
Vont répandre pour eux le reste de leur sang;
Tout leur État conspire à les couvrir de gloire,
Mais l'avenir dans peu ternira leur mémoire.
En quelles mains, grand Dieu, mîtes-vous le pouvoir!
Au travers de leur faste il est aisé de voir
Que leur rôle emprunté, ce fardeau qui les peine,
Veut de plus forts acteurs pour briller sur la scène.
Voyez à l'entour d'eux ministres, conseillers
Intriguer, cabaler pour être les premiers;
Souvent tout est réglé par un roi subalterne
Qui pour son fainéant travaille, agit, gouverne,
Tandis que dans la cour la contradiction


a

Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.

Boileau,

L'Art poétique

, chant I, vers 63.