<6>En perdant tous tes sens, tu viens hors de saison
Vanter les vains progrès qu'aura faits ta raison.
Pour moi, plus franc et plus sincère,
Je porte avec ingénuité
Un hommage tout volontaire
Au trône de la Vérité;
Je prends en pitié la sagesse
Qui choisit pour son fondement
Un corps tout usé de vieillesse.
Notre gaîté, notre tristesse,
Tout nous vient ou de l'âge, ou du tempérament;
Quand on n'a plus l'esprit volage,
Quand on n'a plus de sentiment,
C'est malgré soi que l'on est sage.
Il n'est point de Nestor austère à nous transir
Qui ne rappelle avec plaisir
Les jours de sa naissante aurore,
Et qui ne brûle du désir
De retourner, s'il peut, encore
Sous l'empire charmant de Vénus et de Flore.
Ses regrets importuns vous doivent avertir
Que malgré lui, par impuissance,
Il renonce à la jouissance
Des bienfaits que vous possédez;
Les destins rigoureux ont de plus décidé
Qu'il n'en garderait point la plus frêle espérance.
Vous voyez donc, mes chers neveux,
Que votre âge est le seul où l'on peut être heureux.
Usez de ce trésor avec poids et mesure :
Partout l'abondante nature
Vous fournit des plaisirs nouveaux;
Le ciel, en dépit des dévots,
Prodigue ses faveurs aux enfants d'Épicure,
Et la volupté la plus pure,
Comme une immense mer en répandant ses flots,
Les désaltère de ses eaux.
De sa liqueur enchanteresse