<99>D'un coup de plume un jour ravira leur fortune!
Voyez-vous, dans ceci tout est grand et nouveau;
Faillite d'un banquier n'a pour moi rien de beau;
Mais quand un grand État vise à la banqueroute,
Le crédit abîmé, le richard en déroute,
La consternation qui trouble les esprits,
D'un colosse ébranlé les étonnants débris,
La chute des Crésus tombés de leur pinacle,
L'ébranlement affreux que produit ce spectacle,
Le rend en même temps rare et majestueux.
- Eh quoi! vous plaisez-vous au sort des malheureux?
- Non pas, mais on en parle, et ce sujet amuse.
- Voilà vraiment, monsieur, une excellente excuse.
On l'interrompt. L'un dit : En France on voit au moins
Que pour le militaire on épuisa ses soins.
Tant de fameux héros, il est vrai sans pratique,
Dans leurs savants écrits enseignent la tactique!
Il n'est dans leurs vieux corps pas jusqu'au caporal
Qui ne figure ailleurs comme un bon général :
Chez eux de ce grand art il faudra nous instruire.
- Oui, dit le Schah-Baham;b mais j'y trouve à redire
Qu'à présent la colonnea a moins d'admirateurs;
Les Thébains s'en servaient, et tous nos vieux auteurs
Trouvent cette ordonnance admirable et requise;
Sa masse enfonce tout, et même dans Moïse
Vous voyez précéder le Juif guidé par Dieu
Une colonne d'air, ou colonne de feu.a
- Quelle érudition! s'écriait tout le monde;
Science universelle! ô caboche profonde!
Mais le canon, monsieur, ce foudre des guerriers,
Écrase la colonne et flétrit ses lauriers;
Elle est détruite avant que d'agir. - Je m'en moque.
b Voyez t. XI, p. 85.
a L'auteur fait ici allusion au système des colonnes du chevalier Folard. Voyez t. I., p. 184 et t. X, p. 278. Voyez aussi J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse als Schriftsteller, p. 350.