<101>Et le dieu rit du mal qu'il a causé.
Ces traits légers dont les divers plumages
Des papillons imitent les couleurs
Font des amants inquiets et volages,
Qui, papillons, volent de fleurs en fleurs.
Là, voyez-vous, sont des flèches dorées,
Pour ses élus par le dieu préparées.
Ce présent rare, en leur portant l'amour,
Du même coup l'allume au cœur des belles;
Le sentiment, le plus tendre retour,
Forment les nœuds de ces amants fidèles;
Par le plaisir leurs beaux jours sont comptés,
Leur désir croît au sein des voluptés :
Heureux mortels, qui, dans la jouissance,
Ignorent tout, hors leur félicité!
Voilà l'Amour. Quant à monsieur son frère,
Il n'a l'honneur que d'être le cadet.
Ne pensez pas qu'il ait cet air follet,
Ce beau minois qu'a le dieu de Cythère;
Hymen est gros, pesant, fâcheux, sévère.
Amour, un jour, lui prêtant son flambeau,
Adroitement lui vola son bandeau;
Depuis, l'Hymen vit clair, se lassa vite;
L'illusion perdit tout son mérite.
Plein de chagrin, sombre dans ses dégoûts,
Pour s'en venger il créa les jaloux,
Leur enjoignant d'attacher dans la suite
A leurs guichets serrures et verrous.
Sa triste torche est bientôt consumée;
C'est peu de feu, mais beaucoup de fumée;
Rien de réel dans un si vain apprêt.
Mais pour avoir cour pareille à son frère,
Hymen emploie un certain émissaire
Que le vulgaire appelle l'intérêt,
Que tout mari, tout cocu débonnaire
Avec respect vous nomme la raison.