<109>Voyez la belle absurdité :
D'abord la cohorte ennemie
En hâte vous excommunie,
Détestant vos sages propos.
A cette balourde ânerie
Qui ne reconnaît les dévots?
Ma foi, c'en est la bonne marque.
Mais le ciel bénit mon abbé;
Un vieux radoteur d'Aristarque,
Dans sa crasse erreur embourbé,
Vous fait brevet d'hérésiarque,
Bonheur digne d'être envié
Par le plus fortuné monarque.
Quel bien d'être excommunié,
Et de vous voir associé,
Encore à la fleur de votre âge,
A Mahomet, Luther, Pélage,
Peut-être même à Spinoza!
Non, jamais on ne commença
Une plus brillante carrière.
En entrant dans la barrière
Vous paraissez, que sur-le-champ
Le pape tremble au Vatican;
Des chapeaux rouges la cohue
Juge que l'Église est perdue
Par l'œuvre d'un étudiant.
On assemble le grand divan,
Et toute la gente tondue
Contre vous sévit, crie, argue.
« Frères, c'est l'œuvre de Satan,
Dit un prélat à voix aiguë;
Il raisonne, ou j'ai la berlue,
Plus juste que notre Alcoran.
Je vois notre grandeur déchue,
Pourquoi je trouve expédient
Que, sans que son œuvre soit lue,
On brûle sa thèse à l'instant. »