<13>Quand même mon âme immortelle
Subirait le sort de son corps,
Et que, n'étant point éternelle,
Elle descendrait chez les morts,
O Dieu! ta clémence infinie
Dans aucun sens ne se dénie,
Je sens tes consolations.
Est-ce un malheur de ne point être?
Tel qui n'est plus ne peut connaître
Les pleurs et les afflictions.
Mais si mon âme, en sa durée,
D'Atropos trompe le ciseau,
Et que sa substance épurée
Survive à l'horreur du tombeau,
Que le futur est plein de charmes!
Je vois des plaisirs sans alarmes;
Dieu, dont je ressens les bontés,
Soulageant ici ma misère,
Me paraît tel qu'un tendre père;
Il fera nos félicités.
Qu'un scolastique atrabilaire,
Peu charitable et tolérant,
Plein d'un faux zèle, sanguinaire,
Dépeigne Dieu comme un tyran;
Et que son esprit imbécile
Du fiel que distille sa bile
Emprunte toutes les couleurs :
Non, ce n'est que son Dieu qu'il adore,
Un Dieu bourreau, Dieu que j'abhorre,
Né d'un cerveau rempli d'erreurs.
Déjà je vois les cieux qui s'ouvrent,
Déjà je vois mon bienfaiteur;
Les voiles épais qui le couvrent
Ne le cachent plus à mon cœur.