<159>Le monde heureux sous son empire,
L'or, plus dieu que Mars et l'Amour,
Le même or sut nous introduire,
Le soir, dans les murs de Strasbourg.
Vous jugez bien qu'il y eut de quoi exercer ma curiosité et l'extrême désir que j'avais de connaître la nation française en France même.
Là je vis enfin ces Français
Dont vous avez chanté la gloire,
Peuple méprisé des Anglais,
Que leur triste raison remplit de bile noire;
Ces Français, que nos Allemands
Pensent tous privés de bon sens;
Ces Français, dont l'amour pourrait dicter l'histoire,
Je dis l'amour volage, et non l'amour constant;
Ce peuple fou, brusque et galant,
Chansonnier insupportable,
Superbe en sa fortune, en son malheur rampant,
D'un bavardage impitoyable
Pour cacher le creux d'un esprit ignorant.
Tendre amant de la bagatelle,
Elle entre seule en sa cervelle;
Léger, indiscret, imprudent,
Comme une girouette il revire à tout vent.
Des siècles des Césars ceux des Louis sont l'ombre,
Rome efface Paris en tout sens, en tout point.
Non, des vils Français vous n'êtes pas du nombre;
Vous pensez, ils ne pensent point.
Pardon, cher Voltaire, de la définition des Français; au moins ce ne sont que ceux de Strasbourg dont je parle. Pour faire connaissance, je fis inviter dès notre arrivée quelques officiers que je ne connaissais pas assurément.
Trois d'eux s'en vinrent à la fois,
Plus gais, plus contents que des rois,
Chantant d'une voix enrouée,
En vers, leurs amoureux exploits,
Ajustés sur une bourrée.