<215>Transi de peur, on quitte la donzelle;
Tout en tremblant, le towargis surpris
Va se blottir et chercher des abris
Dans un recoin que fait la citadelle.
Ces gueux, étant effarés, étonnés,
Tremblent si fort du Russe et de sa troupe,
Qu'aucun n'ose montrer le bout du nez
Sur le rempart, pour qu'on ne le lui coupe.
Devinez-vous ce que préméditait
Ce Russe fin, qui si bien les guettait?
Il veut, la nuit, leur donner une aubade,
Et s'emparer du fort par escalade.
O mère Vierge! en sera-t-il ainsi?
Et verra-t-on un peuple schismatique
Escalader votre sainte boutique,
Vous insulter et vous chasser d'ici?
Vous allez voir comment la bonne dame
S'en va traiter ce schismatique infâme.
Elle sait tout, car le Père éternel
Le lui révèle; elle est reine du ciel.
Or, connaissant ce qu'un Drewitz prépare
Avec autant de rage que de fiel,
La bonne dame à l'instant le rembarre.
« Venez, venez, dit-elle, mon cher fils,
Et secourez nos guerriers déconfits.
Vous savez bien de monsieur votre père
Quel fut jadis l'honorable métier,
Qu'à Bethléhem il était charpentier.
De ses outils assistez votre mère,
Servez-vous-en comme un digne héritier. »
Jésus les prend; sur le dos du Messie
On voit flotter le rabot et la scie.
Il était nuit, ils traversent les airs.
Déjà Drewitz approchait de la place;
Ils vont tous deux le prenant à revers.
De ses soldats suivant de près la trace,
Le doux Jésus, sans qu'on s'en aperçût,