<232>Dieu! qu'il y eut de balafrés, d'occis!
De nos Français, qui ne voulaient les suivre,
Les tout derniers par les Russes sont pris.
Au désespoir ils ne pourront survivre;
Leur sort sera celui des prisonniers,
Ils vont aller peupler la Sibérie;
Onques n'y fut esprit, galanterie.
Là, de leurs pleurs arrosant leurs lauriers,
On les fera chasseurs de zibeline,
Pour vous fourrer, boyards de Catherine.
Et cependant monsieur de Vioménil,
A fort grand' peine échappé du péril,
S'était sauvé devers le mont Carpathe,
Donnant au diable et Russien, et Sarmate.
Pour Zaremba, le pillard Pulawski,
Sont comme un astre, en ce jour, obscurci.
Pour s'étourdir sur la bagarre étrange,
Ils vont noyer leur douleur dans le vin.
O cœurs pétris et de boue et de fange!
Quoi! tant de honte et ce fichu destin
Seront de vous oubliés dès demain!
Juste en ce temps, de la Lithuanie,
De ce duché par Suwaroff conquis,
Où l'on a vu des guerriers étourdis,
Battants, battus, chargés d'ignominie,
Revient sans bruit l'orgueilleux Oginski,
Non pas de l'air dont on donne un défi,
Mais rêveur, triste, et l'âme encor chagrine.
Il parut tel dans son accablement
Que le mâtin chassé d'une cuisine,
Serrant la queue et hurlant en fuyant.
Quand il apprit des Français l'aventure :
« Je ne serai donc pas dans la nature
Le seul, dit-il, qu'un sort malencontreux
Persécute; si j'en souffre l'injure,
Ces étrangers ne sont pas plus heureux. »