<243>Choiseul.

Monsieur le comte de Struensée est plus proche; il me rendrait bien ce service, si j'en avais besoin (cependant sans opium). Ah! ce philosophe taciturne prend pour folie une noble fierté et la juste confiance que tout grand homme doit avoir en lui-même!

Struensée.

Vous n'avez pas besoin de remèdes, vous méritez les plus grands éloges; Machiavel vous eût donné la couronne des politiques. Mais pourquoi fûtes-vous exilé?

Choiseul.

Un chancelier,a plus fin fripon que moi, en vint à bout à l'aide d'une catin favoriteb sous laquelle mon orgueil ne voulut pas plier.

Struensée.

Après les belles choses que vous aviez si heureusement exécutées, de quel prétexte put-on se servir pour vous exiler?

Choiseul.

On allégua l'épuisement des finances. Louis avait quelque répugnance à se voir auteur d'une banqueroute; il voulut traîner les choses, pour laisser à son petit-fils en héritage l'horreur publique que cet événement devait lui attirer. On m'accusa donc d'avoir prodigué les espèces pendant mon règne, et il est vrai que je méprisais ce vil métal; je faisais des largesses; j'étais né avec les sentiments nobles d'un roi, qui doit être généreux et même prodigue.

Socrate.

Ma foi, tu étais un maître fou d'achever la ruine d'un royaume.

Choiseul.

Mon esprit était porté au grand, et sans doute qu'il y a de la


a Maupeou. Voyez t. VI, p. 34.

b La comtesse Du Barri. Voyez t. VI, p. 34 et 35.