<254>Lichtenstein.

Beaucoup plus que vous ne croyez, parce qu'ils dénigrent toutes les sciences, hors celle de leurs calculs. Les poésies sont des frivolités dont il faut exclure les fables; un poëte ne doit rimer avec énergie que les équations algébriques.a Pour l'histoire, ils veulent qu'on l'étudie à rebours, à commencer de nos temps pour remonter avant le déluge. Les gouvernements, ils les réforment tous; la France doit devenir un État républicain dont un géomètre sera le législateur, et que des géomètres gouverneront en soumettant toutes les opérations de la nouvelle république au calcul infinitésimal. Cette république conservera une paix constante, et se soutiendra sans armée.

Marlborough.

Tout ce que j'entends est admirable. Mais ces encyclopédistes ne seraient-ils pas atteints des visions des primitifs, des quakers, des pensylvaniens?

Lichtenstein.

Vous les fâcheriez fort de le dire; ils se piquent bien d'être originaux.

Eugène.

Il me semble que cette paix perpétuelle était une vision d'un certain abbé de Saint-Pierrea qui de mon temps n'a pas mal été bafoué.

Lichtenstein.

Ils l'ont donc rappelée de l'oubli, car ils affectent tous une sainte horreur pour la guerre.

Eugène.

Il faut avouer que la guerre est un mal, mais qu'on ne saurait empêcher, faute d'un tribunal pour juger les causes des souverains.a


a Voyez les Réflexions sur les réflexions des géomètres, t. IX, p. 71 et suiv.

a Voyez t. IX, p. 36 et 163.