<255>Lichtenstein.

S'ils haïssent les armées et les généraux qui se rendent célèbres, cela ne les empêche pas de se battre à coups de plume et de se dire souvent des grossièretés dignes des halles; et s'ils avaient des troupes, ils les feraient marcher les unes contre les autres.

Marlborough.

Il en coûte moins de répandre de l'encre que du sang; mais les injures sont pires que les blessures. a Voyez t. IX, p. 36 et 163.

Lichtenstein.

Pour l'art militaire, je n'ose dire devant d'aussi grands héros combien ils tâchent de l'avilir, et dans quels termes ils en parlent.

Marlborough.

Parlez hardiment; puisqu'ils détruisent tout, il faut bien que dans ce conflit universel nous ayons notre part.

Lichtenstein.

Ces messieurs prétendent que vous n'avez été que des chefs de brigands, auxquels un tyran a confié des bourreaux mercenairesa pour exécuter en son nom tous les crimes et toutes les horreurs possibles sur des peuples innocents.

Eugène.

Ce sont des propos de charretiers ivres. Socrate, Aristote, Gassendi ni Bayle ne s'exprimaient pas ainsi.

Lichtenstein.

Loin d'être ivres, ils sont souvent à jeun; leur bourse n'est pas assez fournie pour faire bombance. En leur style, ces beaux propos s'appellent des libertés philosophiques; il faut penser tout haut, toute vérité est bonne à dire; et comme, selon leur sens, ils sont seuls les dépositaires des vérités, ils croient pouvoir


a Voyez t. IX, p. 36 et 163.

a Voyez t. IX, p. 160.