<263>Il aperçoit ce monstre avec horreur.
Il avançait à grands pas dans sa route;
Le Très-Chrétien suait à grosses gouttes.
En le suivant, criait le vieux nocher :
Ne veux-tu pas me payer le passage?
Un si grand roi voudrait-il me tricher?
Le bon Louis, allongeant le visage,
Dit : Je t'assigne, ô Caron! sur les baux
Que payeront mes fermiers généraux.
- Je n'en veux point, il me faut des espèces,
Reprend Caron. Louis avait aux doigts.
Comme souvent aux cours en ont les rois,
De beaux bijoux, présents de ses maîtresses;
Il en prend un, le donne au batelier,
Qui le saisit sans se laisser prier.
Louis le quitte, et court à toute jambe,
Quoiqu'il fût lourd, pataud, très-mal ingambe;
Il arriva dans les lieux où Minos
Juge à la fois les couards, les héros.
Le Roi frémit à l'aspect redoutable
Du président et de ses assesseurs.
Ah! disait-il, quel sort épouvantable,
S'il me condamne, hélas! pour des erreurs
Dont à Paris on ne ferait que rire!
Ce dernier trait serait sans doute pire
Que cette scène insultante à mes mœurs
Qu'ont donnée au public mes confesseurs.
Milliers de morts entouraient l'audience;
Expédiés promptement ils étaient
L'un après l'autre, ainsi qu'ils arrivaient.
Minos d'eux tous avait pris connaissance,
Et prononçait à chacun sa sentence.
Très-tristement quelques-uns s'en allaient,
Plaignant leur sort; d'autres le bénissaient.
Parmi la foule enfin Louis s'avance.
Minos, pensif et d'un air refrogné,