<273>Il est ici, dans ce palais auguste,
Un petit-fils de Louis dit le Juste.
Sera-t-il dit que parmi ces pouilleux,
Rogneurs d'espèce, ou bien fripiers hébreux,
On souffre encor confondu dans la foule
Un roi jadis oint par la sainte ampoule?
Il dit. D'abord un silence profond
(Effet commun que produit la surprise)
Succède au bruit, et le roi Salomon
Dit : C'est un conte, ou c'est une méprise.
Bernard se dresse et répond : Seigneur, non;
Vous possédez dans votre cour brillante
Le bien-aimé Louis, le Très-Chrétien;
C'est lui, vous dis-je, et je vous le présente.
Louis s'avance; à son noble maintien,
A son grand air on reconnut très-bien
Qu'il n'était pas un prince à la douzaine;
Et Salomon, en lui tendant les bras,
Dit : Quel bonheur de voir en mes Ètats
Sa Majesté de France Très-Chrétienne!
Louis répond sans marquer d'embarras,
Comme aurait pu haranguer Démosthène.
Nos deux grands rois bras dessus, bras dessous,
Très-tendrement tous les deux s'embrassèrent,
Fraternité de bon cœur se jurèrent;
Car tous les deux avaient les mêmes goûts,
Et, quoique morts, étaient amoureux fous.
Pour profiter du temps de la visite,
Le Français dit au Jérusalémite :
Ah! montrez-moi, grand roi, votre sérail;
Je voudrais fort le connaître en détail.
- Nenni, nenni, répond l'Israélite.
Mon bon papa fut jadis fait cocu
Par son cher fils Absalon le pendu;a
Je ne veux point perpétuer ses cornes
a II Samuel, chap. 16, v. 22.