<274>En admettant un roi nouveau venu
Dans mon sérail, sans imposer des bornes
Aux vifs transports d'un amour éperdu.
- Mais, dit Louis, mon amour fait carême.
Depuis trois mois mort, enterré, tout blême,
Taxerait-on mon ombre dans ces lieux
D'être un objet aux jaloux dangereux?
- Tant pis, répond le juif, qui s'inquiète;
On a plus faim quand on a fait diète.
Vos Français ont je ne sais quel jargon
Pour captiver les femmes et les filles,
Peu connu dans Salemb et Beth-Horon,c
Qui plaît au sexe et trouble les familles.
Mais après tout, vous êtes étranger,
Et pour montrer à quel point je sais vivre,
Dans cet instant je veux qu'on vous délivre
Une beauté qui sait se rengorger,
Qui fit tourner la tête à mon vieux père,
Qui sait comment on subjugue les rois.
C'est Bethsabé; tel est son nom de guerre.
Un trait frappant de ses fameux exploits,
C'est qu'elle fit, las! par galanterie,
Assassiner son mari, mons Urie.a
Ah! quelle femme, ô ciel! et quel beau don
Me fait ici le grand roi Salomon!
Elle vaut bien la Pompadour, mon frère,
Qui vous força d'entreprendre la guerre,
Dont assez mal vous vous êtes trouvé.
b Salem, depuis, Jérusalem, résidence de Melchisédec; Genèse, chap. 14, v. 18.
c Josué, chap. 10, v. 10; I Samuel, chap. 13, v. 18; I Chroniques, chap. 7, v. 68.
a II Samuel, chap. 11.