<308>de huit ans; il était doux comme un mouton; et à l'âge de quinze ans il avait déjà étudié tout le rabbinage.

ARGAN.

Mais pourquoi l'avez-vous appliqué à une étude aussi stérile?

BARDUS.

Comment! stérile? étude stérile! Bonhomme, vous n'y entendez rien; le rabbinage donne une érudition profonde, et rien n'est plus beau dans une lettre ou dans un ouvrage que la citation de quelques rabbins. Mais je ne borne pas mon fils à cette étude-là; je lui ai fait étudier Cujas et Bartole, la métaphysique, la physique et la plus sublime géométrie.

ARGAN.

Il me semble que la métaphysique n'est pas une science à laquelle on dût appliquer un jeune homme. C'est lui apprendre à faire l'histoire chimérique d'un pays où jamais homme n'a habité ni n'habitera. Je ne condamne pas votre goût, mais les belles-lettres .....

BARDUS.

Va, va, les belles-lettres, cela est si commun! cela court par les rues; ce ne sont que de petits esprits qui veulent plaire aux femmelettes, qui s'y appliquent. Virgile et Homère, et, si vous voulez, Cicéron même, n'étaient pas dignes de délier les souliers de Platon; et ce grand philosophe, qui ignorait l'algèbre, était bien au-dessous du savantissime et doctissime Leibniz et de ses disciples.

ARGAN.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur ce chapitre, et il me semble que les belles-lettres sont tout à fait propres pour des gens qu'on destine au monde, et qu'on espère de mettre dans les grandes affaires. Pour qu'un jeune homme parle bien, il faut qu'il soit éloquent; et pour nourrir sa conversation, il faut que sa mémoire soit meublée de tous les bons ouvrages anciens et modernes. Les belles-lettres donnent un vernis de politesse au discours, et comme l'art du monde est l'art de plaire, il est sûr