<31>Ton ouvrage est rempli des beautés de l'objet;
Et pour exprimer l'air de notre auguste reine,
Certe il ne fallait pas être au-dessous de Pesne.
Son port vraiment royal, son front majestueux,
Sa beauté, sa douceur, son air affectueux,
Tout est représenté dans ce portrait sublime,
Jusqu'à cette vertu qui fait frémir le crime,
Qui pardonne au coupable, et, d'un soin généreux,
Vient essuyer les pleurs des yeux du malheureux.
Je crois voir devant moi cette main bienfaisante
Qui répand toutes parts ses grâces, quoique absente;
Plein d'admiration pour ce divin aspect,
Je sens mon cœur ému, pénétré de respect,
De mes yeux attendris je vois couler des larmes.
Quoi! de viles couleurs ont-elles tant de charmes,
Que, par l'illusion de ton art si vanté,
D'un regard passager l'esprit soit enchanté?
Pesne, si la vertu, chère jusqu'en peinture,
De tes portraits fameux ne faisait la parure,
De ton original maudissant les défauts,
Je louerais froidement tes grands coups de pinceaux.
C'est dans les beaux sujets que ton crayon excelle;
Pour peindre un Alexandre, il faut être un Apelle.a
Qu'un statuaire habile ait épuisé son art
Pour immortaliser l'image d'un César,
Tibère à peine expire, on vient briser son buste;
L'amour et la vertu gardent celui d'Auguste.
Ainsi de ces morceaux l'art exquis, la beauté,
Hors des bons empereurs, n'était point respecté.
Ainsi, dans leur fureur, pleins du fiel des écoles,
Les chrétiens triomphants abattaient les idoles,
Et, sans avoir égard au nom de Phidias,
a Boileau dit, dans le
Discours au Roi
, vers 58-62 :Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile,
Et j'approuve les soins du monarque guerrier
Qui ne pouvait souffrir qu'un artisan grossier
Entreprît de tracer, d'une main criminelle,
Un portrait réservé pour le pinceau d'Apelle.