Faut-il donc toujours courtiser les plus riches?
BARDUS.Je crois que vous penchez pour ce Mondor, pour cette cervelle vide, qui cite à tout propos et son Virgile, et son Boileau; et mademoiselle Julie, si j'en dois croire la médisance, prend dans ses leçons de l'âme, des sentiments, des entrailles, et tout ce maudit jargon que vos beaux esprits débitent, et où je n'entends et ne veux jamais entendre rien.
ARGAN.Ne vous échauffez pas. Votre bile est facilement émue, pour une bile philosophique. Je vous l'ai dit, et je le répète, je ne serai point contraire aux vœux de votre fils; mais je ne forcerai pas non plus ma fille. Tout ce que je peux faire pour votre service, c'est de lui parler et de la préparer à l'arrivée de Bilvesée; et comme rien ne presse, il faut qu'ils se connaissent avant que de s'épouser. Vous m'avez dit d'ailleurs que le mariage ne devait se consommer qu'au retour de votre fils de ses voyages.
BARDUS.Bon cela! mais fiançons-les toujours.
ARGAN.Je vais de ce pas parler à Julie et consulter ma femme, et si Bilvesée arrive, vous pouvez le leur amener.
(Il sort.)
SCÈNE III.
BARDUS.Voilà un bon homme; mais c'est le portrait de tout ce monde qui rampe sur la surface de ce plat univers. Nous que la philosophie élève jusqu'à l'Empyrée, à peine les apercevons-nous; et leur faible raison et la stérile morale dont ils se parent enflent