<344>BARDUS.

Mais il est si savant!

ARGAN.

Je vous le répète encore, l'ami, on est à la vérité fort honnête en France, et l'on fait mille politesses aux étrangers; mais ne vous imaginez pas que les bonnes maisons veuillent se donner la peine de décrasser les jeunes gens qui sortent du collége. Il faut être aimable, c'est le passe-port de la bonne compagnie; et un homme qui n'arrivera pas tout formé en France court le risque de n'être reçu nulle part. Il y vivra avec quelques filles de théâtre, avec quelques petits-maîtres, et il reviendra plus gâté qu'il n'y est allé.

BARDUS.

Il faut cependant qu'un jeune homme voie le monde.

ARGAN.

Mais à quoi le destinez-vous?

BARDUS.

Je ne le mettrai point à la guerre; ce serait dommage s'il était tué, c'est mon fils unique, le soutien de ma maison.

ARGAN.

Vous voudriez pourtant qu'il eût quelque emploi?

BARDUS.

Je ne puis le mettre dans les finances; ce serait prostituer la majesté de la philosophie que de le mettre à une occupation aussi vile.

ARGAN.

Qu'en voulez-vous donc faire?

BARDUS.

Je lui ferai avoir une charge au barreau.

ARGAN.

Le barreau vient d'être purgé de toutes ses iniquités, et les procès sont rédigés d'une sorte que la chicane meurt de faim.