<35>Par des hymnes sacrés célébraient l'Éternel;
Et des prêtres païens les oracles antiques
N'expliquaient l'avenir qu'en termes poétiques;
Et les vers, estimés, honorés en tous lieux,
Étaient pour les savants, les sages et les dieux.
Tel est de cet appât la trop flatteuse amorce,
Il a sur ma raison une invincible force;
Entraîné malgré moi, son ascendant fatal
Me fait souffrir le poids d'un pouvoir sans égal.
Heureux si je savais habiller ma pensée
Et travestir la prose en strophe cadencée!
Heureux si je pouvais, par de nouveaux efforts,
D'un doux luth à ma voix allier les accords,
Et si, poussant ma voix, en élevant ma tête,
Je puis de l'épopée entonner la trompette!
Si j'avais ton pinceau, si j'avais tes couleurs,
Mes portraits peu finis seraient ornés de fleurs;
De diverses beautés j'égaierais mes peintures,
Tout serait animé d'images, de figures.
On me verrait bientôt prendre un rapide essor
Et m'élever aux cieux, saisi d'un doux transport;
M'assurant du soutien de tes sublimes ailes,
Abandonner la terre aux faibles hirondelles.
Tel, traversant les airs et s'élevant aux cieux,
L'aigle pointe au soleil son vol audacieux,
Soutenant ses aiglons, sous ses ailes agiles,
Qu'il instruit à mouvoir leurs ailerons débiles :
Et tel, en m'élevant sur le mont des neuf Sœurs,
Inspire à mes esprits tes divines fureurs,
Et que l'expression s'alliant à la rime
Avec l'invention m'amènent au sublime;
Que les mots, à leur lieu tout prêts à se placer,
Sans se faire chercher soient prêts à s'arranger.
O toi, qui des ligueurs as chanté les défaites,
O toi, qui de Henri célébras les conquêtes,
Et qui, de l'art des vers habile à te servir,
Autant qu'il t'ennoblit sus autant l'ennoblir,