<440>Eh quoi! tous les malheurs aux humains réservés,
Faut-il, si jeune encor, les avoir éprouvés?
Le ravage, l'exil, la mort, l'ignominie,
Dès ma première aurore ont assiégé ma vie.
Je vous ai cru mon père, et devais le juger;
Je suis fils de Cresphonte, et ne puis le venger.
Je retrouve une mère, un tyran me l'arrache;
Un détestable hymen à ce monstre l'attache.
Je maudis le secours que vous m'avez donné.
Ah, mon père! ah! pourquoi d'une mère égarée
Reteniez-vous tantôt la main désespérée?
Mes malheurs finissaient, mon sort était rempli.

NARBAS.

Ah! vous êtes perdu; le tyran vient ici.

SCÈNE II.

POLYPHONTE, ÉGISTHE, NARBAS, EURYCLÈS, GARDES.a

POLYPHONTE, aux gardes qui s'écartent vers le fond du théâtre.

Retirez-vous; et toi, dont l'aveugle jeunesse
Inspire une pitié qu'on doit à la faiblesse,
Ton roi veut bien encor, pour la dernière fois,
Permettre à tes destins de changer à ton choix.
Élevé loin des cours et sans expérience,
Laisse-moi gouverner ta farouche imprudence.
Si le hasard heureux t'a fait naître d'un roi,
Rends-toi digne de l'être, en servant près de moi.
Une reine en ces lieux te donne un grand exemple;
Elle a subi mes lois, et marche vers le temple.
Suis ses pas et les miens, viens au pied de l'autel
Me jurer à genoux un hommage éternel.
Un refus te perdra.

ÉGISTHE.

Comment puis-je répondre?
Tes discours, je l'avoue, ont de quoi me confondre.
Vovons, si tu me rends ce glaive que tu crains.
Si c'est à Polyphonte à régler mes destins.


a L. c. acte V, scène II.