<62>Mais je prostituerais mes vers
En faisant le portrait immonde
De ces esprits faits de travers;
Ma muse, dans son badinage,
Préfère le plaisir volage
Au ton gravement ennuyeux
D'un censeur pesant et sérieux.
Heureux Chasot, que la nature
Daigna partager de son mieux,
Qui n'importunes point les cieux,
Et suis ton instinct sans murmure,
De tes ébats l'ingénuité
Me paraît cent fois préférable
A la farouche austérité
D'un dévot sombre et misérable.
Jamais ton cœur ne fut ému
D'un fantôme nommé scrupule;
Il m'est, dis-tu, tout inconnu,
Je ne connais que la crapule.
Ah! le débauché, le mutin,
A qui l'on devrait la bascule!
Mais non, lisez saint Augustin,
Dont Bayle peint la gentillesse;
Comme vous, il fut libertin.
Il demandait, en sa jeunesse,
Au Dieu maître de son destin
Que chez lui l'austère sagesse
Ne fût qu'un fruit de sa vieillesse;
Ce débauché, ce vrai lutin,
Pieux scélérat, homme divin,
De ses ébats, de son ivresse
Se refaisait chez sa catin.
Comme lui, vous êtes un saint,
Non pas un saint à la Lucrèce,6
Mais un saint qu'en l'antique Grèce
Sapho n'aurait pas méprisé,
6 Lucrèce, qui se tua par chasteté.