<73>Cet infâme sénat, de sa voix insensée,
Condamne l'innocent, et juge la pensée.
Le bûcher est le prix d'un bon raisonnement,
Il consume à la fois l'auteur et l'argument;
Et l'Europe aveuglée, au pontife soumise,
Adore ses décrets, et forme son Église.
Cent rois, cent nations de son sceptre d'airain
Ont reconnu chez eux le pouvoir souverain;
Mais ce chef dangereux, leur donnant des entraves,
De libres qu'ils étaient, en fit autant d'esclaves.
Voyez-vous dans Madrid ces bûchers solennels
Où pour l'amour de Dieu l'on brûle les mortels?
Écoutez dans Paris ces querelles frivoles,
Ces docteurs acharnés aux guerres de paroles;
Voyez le fanatisme, attroupant tous les sots,
Contre l'homme pensant animer les bigots.
L'esprit libre français, l'éloquence hardie
Sous le joug monacal languit abâtardie.
Observez ces Germains soumis à leurs pasteurs,
D'Ignace et d'Augustin aveugles sectateurs;
Leur César malheureux, fugitif en Hongrie,
Fuit le dieu des combats, en implorant Marie,
Attend tout d'un miracle et du secours des saints,
Tandis que le divan se rit de ses desseins,
Et, vovant du croissant triompher la planète
Au-dessus de Jésus élève son prophète.
Mais ces prélats romains qui prescrivent des lois
Ne sont pas seuls tyrans des peuples et des rois :
Avec moins de grandeur, avec bien moins de faste,
Le calvinisme enferme un pouvoir aussi vaste;
Sous des dehors trompeurs, sa sainte humilité
Couvre l'ambition, l'orgueil, la vanité.
On le vit autrefois, sortant de la poussière,
Ébranler par son choc le trône de saint Pierre;
Ce parti s'accroissant, tout un nombreux essaim
Sut s'affranchir du joug du pontife romain;
Persécutés partout, ils blâmaient la contrainte,