<79>Ceux qu'un sort malheureux soumit à ses caprices,
Il semblait ne fonder son élévation
Que sur le mal public et sur l'affliction,
Et, dans l'impunité cruellement tranquille,
Opprimait d'autant plus, qu'il était dans l'asile.
C'est ainsi que l'on voit ces furieux volcans
Vomir avec horreur de leurs funestes flancs
De longs torrents de feu, de bitume et de soufre,
Et des rochers brisés, élancés de leur gouffre;
Les hameaux, à leurs pieds, par cent débris couverts,
Renversés et détruits, se changent en déserts.
Colbert, bien différent dans sa haute fortune,
Fit briller dans son rang sa vertu peu commune;
Sur les talents cachés il fixait ses regards,
Soutenait le mérite et protégeait les arts,
Et sur les ailes d'or de l'habile industrie,
L'opulence, à sa voix, vola dans sa patrie.
Que d'utiles projets travaillés par ses mains!
Que d'arts mieux cultivés pour le bien des humains!
Les Français doivent tout à son doux ministère :
Louvois fut leur tyran, mais Colbert fut leur père.
« Tu n'as rien de plus beau dans ton sort glorieux
Que ce divin pouvoir de faire des heureux,
Ni rien de plus louable en ton grand caractère
Que ce cœur généreux, toujours prêt à bien faire, »
Disait jadis, à Rome, à César son vainqueur
Ce protecteur des lois, ce consul orateur;a
Et c'est à tous les rois qu'il paraît encor dire :
Pour rendre des heureux vous occupez l'empire.
Non, sous Caligula je ne reconnais plus
Le trône fortuné qu'embellissait Titus :
L'un, prince extravagant, tenait Rome à la gêne,
L'autre faisait honneur à la nature humaine.
De la pourpre un moment dépouillons-les tous deux :
L'affreux Caligula, moins grand, est plus hideux,
Et Titus, de lui seul empruntant tout son lustre,
a Pro Ligario, chap. XII. Voyez t. VIII, p. 152.