<87>La science renaît, les arts sont triomphants;
La sage politique allume leur lumière,
Instruit le peuple aveugle, et prudemment l'éclaire,
Et l'amour des beaux-arts et de la vérité
Calme les mouvements de la témérité.
Les sages, dans le monde, attentifs à connaître,
Méprisent la faveur d'en devenir les maîtres;
L'esprit est leur empire, et des noms immortels
Sont plus chers à leurs yeux que des trésors réels;
Modestes dans leurs mœurs et doux de caractère,
Instruisant les humains, ils ont l'art de leur plaire.
Éblouis de l'éclat qu'imprime leur clarté,
L'antique barbarie et l'inhumanité
S'enfuient loin des lieux où la délicatesse
Introduisit des Grecs l'antique politesse.
Sciences, arts charmants, mes seuls dieux, mes moteurs,
Flambeaux de nos esprits, précepteurs de nos cœurs,
Vous rendez les humains à la vertu flexibles,
Moins rudes, moins fâcheux, plus tendres, plus sensibles.
Esprits qu'avec le mien réunissent vos goûts,
Qui trouvez dans les arts les plaisirs les plus doux,
N'associez jamais à la philosophie,
Aux beaux-arts si charmants les serpents de l'envie;
Abeilles qui devez préparer votre miel,
N'allez pas follement nous distiller du fiel :
Autre est l'air d'Uranie, autre est l'air de Méduse.
Songez donc, quelque soit l'erreur qui vous abuse,
Quels que soient vos discours, quels que soient vos concerts,
Que vous devez prêcher d'exemple à l'univers.
C'est ainsi qu'à Berlin, à l'ombre du silence,
J'ai consacré mes jours aux dieux de la science,
Tandis que l'intérêt, la folle ambition,
La discorde égarée et la religion,
Secouant dans leurs mains les flambeaux de la guerre,
Gouvernaient fièrement les rênes de la terre;
Tandis que sous le froc, en sacré Machiavel,
Fleury trompait le monde et servait l'Éternel,