<152>pour ton service : j'ai pensé être lapidé pour un bouc, et brûlé pour avoir dit que le grand lama protége des scélérats. Ah! que cette Europe est un étrange pays! et que je regrette les douces mœurs dont on jouit, à l'ombre de ton sceptre, dans les heureuses contrées qui m'ont vu naître sous ta domination!
LETTRE TROISIÈME.
Dès que je fus entré chez mon Portugais, et que, après avoir bien fermé, il crut que nous étions en sûreté, il me dit : Je vois bien que vous ne faites que d'arriver dans ce pays, et que tout doit vous y paraître nouveau. Vous avez vu des cérémonies religieuses qui sans doute vous ont semblé singulières; vous avez lu des livres de morale qui vous ont réconcilié avec les bonzes. Apprenez que ces cérémonies et ces livres de vertus ne sont en effet que des amorces pour le peuple; tout ce que vous voyez, depuis le souverain pontife jusqu'au dernier de ces moines qui trottent, crottés jusqu'à l'échine, à travers des boues, n'en font que peu d'état; le Tien sert de prétexte à leur ambition et à leur avarice, la religion leur sert à l'un et à l'autre. Voilà pourquoi leur vient ce zèle; voilà pourquoi ils font brûler tous ceux qui veulent rompre les fers de leur esclavage. Nous avons vu des grands lamas qui commettaient l'adultère et l'inceste, qui faisaient métier et profession d'empoisonneurs; il n'est aucun crime que les mitres et la tiare n'aient couvert. En général, tous ces gens d'Église sont les plus méchants et les plus dangereux de tous les hommes par l'audace de leurs entreprises et par l'implacable malignité de leurs vengeances. Je vous en parle si franchement, parce que dans le fond je ne suis pas de leur religion; je suis juif. - Qu'est-ce que juif? dis-je, en l'interrompant; je n'ai jamais entendu parler de ces gens-là. - Les Juifs, dit-il, ont été le peuple élu de Dieu; ils ont habité la Judée; ils ont été enfin chassés par les Romains, et ils vivent à présent dispersés sur la terre, comme les Banians et les Guèbres en Asie. Notre livre de