XXII. LETTRE D'UN AUMONIER DE L'ARMÉE AUTRICHIENNE AU RÉVÉREND PÈRE SUPÉRIEUR DES CORDELIERS DU COUVENT DE FRANCFORT-SUR-LE-MAIN. DANS LAQUELLE ON DÉCOUVRE LES ASTUCES ET LES MOYENS CRIMINELS DONT S'EST SERVI LE ROI DE PRUSSE POUR GAGNER LES BATAILLES DE LIEGNITZ ET DE TORGAU.
Mon révérend père,
C'est avec raison que Votre Révérence est dans le plus grand étonnement en considérant les deux batailles que le roi de Prusse a gagnées pendant cette campagne, qui ont détruit non seulement tous les projets que ses ennemis avaient formés, mais qui semblent encore jeter un ridicule sur les assurances que la cour de Vienne avait données à toutes les cours de l'Europe. Votre Révérence n'ignore pas que, lorsque le roi de Prusse quitta le siége de Dresde pour aller dégager la Silésie, cette cour fit déclarer à Versailles, à Varsovie, à Pétersbourg, qu'avant la fin de juillet il n'y aurait plus d'armée prussienne, et qu'il ne resterait d'autre ressource au roi de Prusse que de s'enfermer dans Magdebourg ou d'aller s'embarquer à Stade pour se rendre à Londres. Partout où il y avait des ministres autrichiens on tenait le même