<171>non sunt miscenda sacra profanis. Si l'œuvre de Satan n'avait pas eu lieu, qui peut croire que des Prussiens eussent non seulement osé résister à l'armée de l'exécution de l'Empire, mais la chasser comme le vent chasse les nuages? Il n'y a qu'à lire les journaux qu'on a publiés pendant sept mois dans toutes les gazettes, des faits et gestes de cette redoutable armée, et l'on verra si les Français sous le grand Condé et les braves Autrichiens sous le prince Eugène ont jamais rien fait de plus glorieux.
La retraite de l'armée de l'Empire et celle du corps des Würtembergeois laissa la défense de la Saxe aux seuls Autrichiens; ils crurent devoir occuper le camp inattaquable qui est sous la ville de Torgau, et dans lequel le général Hülsen, avec une poignée de monde, avait tenu bon, pendant la moitié de la campagne, contre l'armée de l'Empire, forte de plus de trente-cinq mille hommes. Les Autrichiens, qui savent que le roi de Prusse, quoique leur ennemi, est le premier à rendre justice à leur valeur, ne s'attendaient pas que ce prince osât les attaquer. Il l'a cependant fait; il a forcé les Autrichiens à abandonner la ville importante de Torgau, à repasser l'Elbe, à se retirer derrière la ville de Dresde, à faire une marche de onze milles qui leur a bien coûté du monde, enfin à lui céder toute la Saxe, à la ville de Dresde près.
C'est ici où Votre Révérence va voir tous les prestiges de l'enfer, toutes les ruses de Satan, et enfin tous les stratagèmes les plus diaboliques de l'esprit malin.
Ce fut le trois du mois de novembre, à deux heures après midi, que le Roi engagea cette fameuse bataille, contre le consentement de son magicien, qui, connaissant toute l'étendue de la puissance de la toque et de l'épée papales, assura le Roi qu'il serait repoussé. Cela ne manqua pas d'arriver, et la cour de Berlin, dans la relation qu'elle a publiée, convient que les Prussiens, malgré leur intrépidité, furent repoussés avec beaucoup de valeur par les Autrichiens dans les deux premières attaques. Mais cette même relation assure que la troisième réussit si bien aux Prussiens, que ce ne fut ensuite qu'une déroute totale des Autrichiens, qui abandonnèrent le champ de bataille, repassèrent l'Elbe pendant la nuit, et laissèrent la ville de Torgau, avec les magasins