<18>aussi pernicieux au monde physique que l'action l'est au monde moral. Toute la nature nous en avertit; j'en rencontre des preuves aux premiers objets où mes regards s'arrêtent. Voilà-t-il pas l'air agité par les aquilons? Il enfle et bouffit des nuages orageux qui, en tonnant sur nos têtes, laissent échapper de leurs flancs ténébreux les éclairs, la foudre, des embrasements et la mort. De même l'air, par la violence de son mouvement, est cause des tempêtes, des tourbillons et des ouragans épouvantables qui font ballotter par les vagues agitées les cadavres des nautoniers et les débris des vaisseaux fracassés par les naufrages. Les tremblements de terre, les ravages des volcans, d'où viendraient-ils, si ce n'est des vents souterrains qui, s'engouffrant de cavernes en cavernes, allument les matières combustibles contenues dans les entrailles de ce globe, et les poussent avec un fracas prodigieux vers des crevasses par où leur fureur pénètre, s'échappe, et se répand en torrents de flammes dans les campagnes? Supposé qu'on envisage ces phénomènes comme des calamités rares, qui arrivent de loin en loin, et par conséquent peu à craindre, ne voit-on pas que le mouvement est le principe destructeur des productions de la nature? Ses propriétés consistent à user nos organes, à relâcher les ressorts de la vie par une friction perpétuelle, à rassembler les germes de nos maladies, à préparer les causes du trépas, enfin à désunir les atomes dont nous sommes composés, pour les métamorphoser, par une nouvelle combinaison d'arrangements, en êtres nouveaux. On ne saurait séparer le mouvement du changement; ces deux idées sont liées ensemble. Comme donc l'action est le principe de toute mutation, et que la somme des maux surpasse de beaucoup la somme des biens dans ce monde, il en résulte nécessairement que tous nos malheurs dérivent de l'instabilité des choses, et que l'activité amène plus d'événements funestes que d'événements favorables. Il est donc évident que le plus heureux penchant de l'homme est celui qui le porte à la paresse, et que la fainéantise est un mérite, parce que le premier acheminement à la vertu est la privation du vice.
Si nous en croyons la légende des juifs, Dieu, après avoir créé le monde, se reposa; il se repentit d'avoir fait une mauvaise