<20>chicane jette au barreau, tu détestes les procès et les plaideurs; tu nous garantis de ces occupations où l'homme, toujours hors de lui-même, n'existe que pour le bonheur de ses concitoyens, comme si nous vivions pour la société et non pas pour nous-mêmes; tu détestes l'arithmétique, tu déchires les comptes de finance entre nos mains, tu hais les soins importuns qu'on se donne pour acquérir les richesses, tu te plais à les laisser dissiper lorsqu'il y en a d'amassées. Jamais ta fainéantise ne se joignit à l'esprit de friponnerie; jamais fermier général, jamais joueur de profession, jamais de Mandrina ne fut paresseux.

Le plus sage des rois a dit que tout était vanité. Pourquoi donc s'occuper de choses vaines? Et si la vie des hommes ne se passe qu'à élever et à détruire, pourquoi s'amuser à ce jeu d'enfants frivoles? Il vaut mieux ne rien faire que faire des riens. Abandonnons le monde à l'enchaînement nécessaire des causes, laissons agir la fatalité, supposé qu'elle règle tout, et jetons-nous mollement entre les bras de la paresse. Jamais les soins inquiets ne troublent sa demeure, les soucis du lendemain n'en sauraient approcher, et les cris redoutables de Cerbère ne pourront même nous émouvoir. O sainte et précieuse paresse! seule félicité dont puissent jouir les belles âmes! nous trouvons dans ton inaction l'entier éloignement du crime et la jouissance inaltérable d'une végétation bienheureuse. Finissons ces réflexions par les mêmes paroles du proverbe que nous avons déjà rapporté, Ne réveillons point le chat qui dort, parce que tout le monde est chat, et que ceux qui dorment sont les moins malfaisants.


a Voyez t. IV, p. 34; t. IX, p. 175; et t. XIV, p. 253.