IV. RÊVE
J'avais passé quelques jours de suite en compagnie d'une société aimable parmi laquelle se trouvaient quelques personnes d'une imagination vive. Leur feu s'était communiqué à mon esprit; mon âme s'exaltait. La conversation nous entraînait, et nous passions les nuits. Hier, en retournant chez moi, j'avais encore l'esprit rempli de tout ce qu'on avait agité dans la journée; mon sang était échauffé, une foule d'objets m'occupaient. Dans cette situation, où tous mes esprits se portaient à ma tête, je me couchai, et je fis le rêve dont voici le récit.
Il me semblait que j'étais dans une plaine immense, remplie par une affluence de monde prodigieuse. On aurait dit que toutes les nations de l'univers se fussent donné rendez-vous pour se rassembler en ce lieu. Cependant, en examinant attentivement ce spectacle, il me parut que le peuple s'attroupait en bande à l'entour de différents tréteaux sur lesquels haranguaient des charlatans assistés de leurs arlequins. C'était à qui d'eux attirerait le plus de monde à son théâtre. La curiosité m'incita à m'approcher du théâtre le plus proche. Un drôle à grande barbe et à figure de bouc y présidait; il appelait le peuple à haute voix. Venez à moi, disait-il; je possède les secrets de la plus ancienne médecine et des charmes les plus inconnus; je fais danser les montagnes comme des chèvres et les chèvres comme des montagnes; je puis arrêter le soleil et la lune dans leur cours; les rivières frayent un passage à ma voix; je change l'eau en sang; de ma