<46>phéties frappantes que la sacrée parabole de Barbe-bleue présente à notre méditation.

Voyez comme il débute avec une simplicité touchante : « Il y avait une fois un homme qui avait une belle maison à la ville et à la campagne. » Ce seul commencement dénote qu'il était divinement inspiré. Il ne dit point : Il y avait en telle année; mais : Il y avait une fois un homme; parce qu'il voyait en esprit les disputes que les incrédules mettraient un jour en avant touchant différents points de chronologie, à savoir : pour la naissance du Christ, son voyage en Égypte, le temps que son saint ministère a duré, enfin touchant sa mort et sa résurrection. Il préfère donc à ces dates contagieuses cette simplicité sublime : « Il y avait une fois un homme. » « Cet homme avait une maison à la ville et à la campagne. » Voilà le vrai style de la narration. Le saint auteur désigne par ces différentes possessions la turpitude de celui dont il parle. Il était attaché aux biens de ce monde. Sans doute qu'il se glorifiait de ses richesses, et ne comptait pour rien les biens de l'autre vie. « Il avait la barbe bleue. » Il avance par degrés. Cet homme est riche; il est vain; il a la barbe bleue, c'est la marque caractéristique du diable. Cet auteur de tous nos maux ne peut avoir une barbe comme l'ont les hommes; elle doit être bleue, car le diable, qui, sous la forme d'un serpent, tentait Éve dans le paradis, avait une couleur bleuâtre. J'appuie encore cette assertion par une raison physique. Les lampes qu'on entretient avec de l'huile jettent des reflets bleuâtres; les démons qui plongent les damnés dans de grandes cuves d'huile bouillante teignent insensiblement leur barbe de cette couleur, de même qu'il arrive à ceux qui travaillent aux mines de vitriol de prendre à la longue des cheveux verdâtres. Ces marques, ces couleurs sont appropriées à l'esprit malin pour que les hommes puissent reconnaître l'ennemi de leur salut. Nous avons des yeux pour voir, et nous ne voyons pas; mais nous n'examinons rien. C'est notre paresse, c'est notre tiédeur, c'est notre coupable négligence qui nous fait donner dans tous les piéges que cet esprit rebelle et malfaisant nous tend. Nous ne veillons point au salut de nos âmes immortelles. Que l'esprit tentateur ait une barbe bleue ou non, personne n'y réfléchit. Il flatte nos passions, nous nous laissons séduire; on se fie en