<48>paternelle pour se marier à Barbe-bleue. Les Juifs quittent le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, pour Baal-Péora et d'autres dieux que l'enfer avait vomis sur terre. On commence par être tiède, on devient indifférent; on oublie Dieu, on s'engage dans le péché, on s'y embourbe; enfin, l'on ne peut plus s'en retirer, et l'homme est perdu, du moment que la grâce efficace l'abandonne. Un esprit de vertige s'empare de ses sens; il touche au bord du précipice sans connaître l'abîme qui va l'engloutir. La nouvelle mariée, qu'une funeste erreur aveugle, ne voit pas que son mari a une barbe bleue. C'est ainsi que, emportés par la violence de nos passions, nous ne nous apercevons pas de la difformité monstrueuse des vices. Le pécheur vogue sans boussole et sans gouvernail, et devient le jouet des tempêtes impétueuses qui brisent enfin son frêle navire. « A peine Barbebleue est-il marié, qu'il entreprend un voyage de six semaines, pour vaquer à de certaines affaires, en priant sa femme de se bien divertir dans son absence. » C'est que le démon, non content d'une prise, toujours agissant pour le malheur des hommes, cherche sans cesse une nouvelle proie. « En partant, Barbe-bleue donne à sa femme la clef de tous ses trésors, et lui en remet une secrète d'un cabinet, lequel il lui défend d'ouvrir. » Que de grandes leçons dans ce peu de paroles! Le vieux séducteur, qui sait le métier qu'il a appris par l'expérience de tous les siècles, renverse le cerveau d'une jeune personne en lui donnant du goût pour les richesses. Il veut nous attacher aux biens terrestres et périssables, pour nous détacher des biens incorruptibles du paradis. Il parvient, par le même moyen, à égarer le plus sage des rois; il donne à Salomon tout l'or d'Ophir. De cet argent, Salomon commence à bâtir à Jérusalem un temple au Seigneur : voilà le bon usage. Mais le démon ne se décourage pas. Ensuite le sage roi se pourvoit de sept cents concubines : voilà l'abus. Remarquez en passant combien notre espèce dégénère; car aucun Sardanapale de notre siècle ne pourrait suffire à un si grand nombre de concubines. Salomon ne s'en tint pas là. On le vit enfin sacrifier aux faux dieux. C'est ainsi qu'une chute après elle entraîne une autre


a Nombres, chap. XXV, v. 3; Deutéronome, chap. IV, v. 3; Josué, chap. XXII, v. 17; Osée, chap. IX, v. 10.