<74>viendra où nous la verrons succomber sous le poids de ses ennemis. Quelle joie n'aurons-nous pas de ces événements tant attendus! Que vos fabriqueurs de nouvelles vont être contents de voir enfin accomplir leurs prophéties, et qu'ils auront d'obligations aux deux menuets dont l'un est en mineur!
Cependant les fêtes et les bals vont ici leur train ordinaire; la cour ne pense qu'à se divertir, et vit dans cette sécurité qui précède les grandes catastrophes. Mais nous qui voyons plus loin que notre nez, et qui sommes fins au superlatif, nous annonçons, comme la malheureuse Cassandre, que la mesure est comblée, que les jours de deuil sont arrivés, que, malgré la sérénissime république de Santo-Marino et celle de Lucques même, on verra ici dans peu un essaim de barbares qui vengeront les menuets d'Aix en Provence, qui brûleront la musique qu'on appelle celle du bon faiseur d'opéra; qu'on verra de véritables éléphants fouler l'orchestre à leurs pieds; que, pour comble de malheurs, ce peuple barbare convertira la voix de ces messieurs qui chantent le dessus sur nos théâtres en affreuses voix de basse; que les vierges qui desservent ces mêmes théâtres avec tant de pudeur seront violées; et qu'on n'entendra pour toute harmonie que les menuets d'Aix, dont l'un est en mineur.
Au cas que cette prophétie ne s'accomplisse pas à la lettre, nous soutiendrons ce contre-temps avec effronterie, et nous ne laisserons pas de prophétiser. Pour messieurs nos compagnons, qui, comme nous, se mêlent de lire dans l'avenir, nous leur conseillons de prophétiser les événements passés, s'ils ne rencontrent pas les événements futurs, ou d'étendre leur prophétie au delà de cent ans.
Nous apprenons dans ce moment que l'ambassadeur de Fez a pris la colique, et qu'il veut se faire électriser au gros orteil. Un fameux médecin assure que son mal provient d'une réplétion d'injures; son chirurgien prétend que c'est une maladie de politique, et qu'il a trouvé à propos de s'absenter de la cour.
P. S. Je suis obligé de vous faire mes excuses sur ce que mon style n'approche point de l'élégance et de la noble hardiesse de celui de vos correspondants. J'étudie sans cesse dans vos archives pour atteindre à ce point de perfection; je commence à