<XXIV>bliothèques particulières désignent également M. d'Argens comme l'auteur de cette facétie. A la vérité, il y a quelques raisons de penser que la Lettre d'un aumônier n'est pas du Roi. Elle s'écarte, sur certains points, de la manière de Frédéric, pour se rapprocher de celle du marquis d'Argens. Ainsi on y trouve la sentence d'Horace modifiée : Non sunt miscenda sacra profanis, qui se lit aussi dans la lettre du marquis d'Argens à Frédéric, du 9 mars 1763. Il y est parlé du père Malagrida et des autres jésuites assassins des rois, qui figurent déjà dans sa lettre du 20 avril 1759. On y remarque enfin, comme dans les autres ouvrages du marquis, un certain étalage d'érudition hostile aux papes. D'un autre côté, l'examen le plus attentif du style de la Lettre d'un aumônier ne nous y a pas fait découvrir des différences assez sensibles pour qu'il nous soit possible de déclarer positivement que Frédéric n'en est pas l'auteur. Nous trouvons, d'ailleurs, dans la pièce des choses que nous serions tenté de n'attribuer qu'au Roi, p. e. l'allusion à la toque et à l'épée bénites dont le pape avait décoré le feld-maréchal comte de Daun, plaisanterie que Frédéric répète souvent dans ses poésies, dans ses feuilles volantes,a et dans ses lettres à Voltaire et au marquis d'Argens.
Nous demeurons donc, en ce qui nous concerne, dans le doute sur l'authenticité de ce morceau, et n'osant ni le rejeter absolument, ni l'admettre sans réserve, nous l'imprimons avec les autres facéties. En tous cas, cette Lettre est intéressante, fût-elle même l'ouvrage de M. d'Argens, puisqu'on sait que cet ami du Roi prit une part active à la guerre de plume que le monarque faisait aux ennemis de la Prusse dans les moments les plus critiques de la guerre de sept ans.
Notre texte est tiré de l'édition originale imprimée en 1760, en seize pages in-8, et portant le même titre que celui du Supplément, que nous avons indiqué au commencement de cet article. La Bibliothèque royale de Berlin possède deux exemplaires de cette édition.
a Voyez t. XII, p. 130, 132, 134, 188, et ci-dessous, les pièces no XIII, XIV, XV et XX.