<280>rir, il faudrait qu'il fût encore tout à fait libre des passions qui peuvent lui en ôter la liberté, car n'est-ce pas l'ouvrage ordinaire des passions d'étouffer la voix de la raison? Pour que la métaphysique apprît à l'homme à raisonner toujours conséquemment, il faudrait donc sans doute qu'elle commençât par le dépouiller de ses passions. Mais, monseigneur, que pensez-vous qu'il en résultât, si l'homme achetait, par le sacrifice de ses passions, l'avantage de n'écouter jamais d'autre voix que celle de la raison? Si ce sont les passions qui avilissent souvent l'homme, il n'en est pas moins vrai que ce sont aussi elles qui le rendent vraiment grand, qui l'élèvent aux vertus les plus sublimes. Qu'on ôte à l'homme ses passions, adieu les grandes vertus, adieu les belles actions, adieu les héros. Non, non, monseigneur, V. A, R. perdrait trop à un tel échange, ou plutôt le monde y perdrait trop par elle. Conservez donc toutes les belles, toutes les sublimes passions dont votre grande âme est susceptible; en les maintenant, comme vous le savez si bien, sous le sceptre de la raison, elles ne produiront jamais rien que de beau et de grand, jamais rien qui ne soit digne de louange et d'admiration.
Je n'ai aujourd'hui que peu de feuilles à envoyer à V. A. R. Mais elle m'a fait la grâce de me souhaiter un heureux succès dans mes desseins, et je m'y sens si fort encouragé par cette faveur de V. A. R., que je ne néglige rien pour y réussir, ce qui me prend une grande partie de mon temps. Ma plus haute espérance sera toujours que les choses tournent de manière que je puisse un jour jouir du bonheur de passer mes jours auprès de V. A. R., afin de pouvoir, en les lui consacrant, lui donner des preuves aussi sincères et aussi convaincantes que je le désire du profond respect et de l'entier dévouement avec lequel je serai toute ma vie, etc.