<286>flatteur, de bien plus touchant pour moi; c'est le témoignage que j'y trouve de votre précieuse amitié, c'est l'intérêt si attendrissant que vous daignez prendre à mon sort, et qui en adoucit toute la rigueur. Oui, si rien au monde est capable de me rendre vain, ce n'est sûrement pas le chétif mérite dont je puis être doué, mais c'est uniquement celui que je tire de l'estime et de la faveur dont V. A. R. daigne m'honorer gratuitement. Il me suffit donc, monseigneur, pour ma propre et entière satisfaction, d'oser espérer que V. A. R. ne me trouve pas indigne de ses bonnes grâces, et que, tel que je suis, elle ne dédaigne pas mes hommages, oui, si j'ose le dire, mes adorations. Car, si jamais mortel mérita d'être adoré, ce fut assurément un prince qui, comme vous, réunit en lui les plus rares, les plus grandes qualités et les plus sublimes vertus; un prince qui, comme vous, prenant pour modèle tout ce qu'il y eut jamais de grands hommes, et tirant de leurs caractères tout ce qui peut entrer dans celui d'un seul, travailla sincèrement à en former le sien. Ne vous offensez point, monseigneur, de cette effusion de mes senti-ments, qui part de la plus vive, de la plus intime conviction; mais souffrez plutôt que la vérité vous parle par ma bouche; elle ne connaît point de flatterie, et la postérité reconnaîtra un jour que c'est à elle seule que je rends ici hommage. Je conviens avec vous, monseigneur, que la louange peut séduire et corrompre même le cœur d'un prince; mais ce ne sera sûrement jamais celui d'un prince qui, comme vous, ne trouve dans la louange même la plus séduisante qu'un aliment à sa modestie; ce ne sera jamais celui d'un prince qui, sachant aussi bien que vous apprécier le vrai mérite, ne peut manquer de discerner la vraie louange de la fausse; d'un prince, enfin, qui, abhorrant la duplicité des adulateurs, est toujours prêt à démasquer et à confondre leur vile flatterie, toujours prêt à les apostropher avec la malheureuse Phèdre :

Détestables flatteurs, présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colère céleste!a

Oui, monseigneur, un prince tel que vous peut recevoir sans scrupule et avec une parfaite sécurité les plus flatteurs éloges, les


a Phèdre, tragédie de Racine, acte IV, scène VI.