A M. DE NATZMER.
Monsieur, la dispute que nous eûmes hier resta assez indécise, à cause que le sommeil nous surprit tous deux lorsque nous étions encore en train de débiter notre marchandise du mieux. Mais pour suppléer au temps qui nous manqua hier, je continuerai mon système, pour lequel s'établit premièrement : la paix dans l'Europe pour à présent; un roi de Prusse doit ensuite employer son plus grand soin à entretenir bonne intelligence avec tous ses voisins, et comme ses pays traversent diagonalement l'Europe en la coupant en deux, s'entend par là qu'il garde bonne intelligence avec tous les rois, l'Empereur et les principaux électeurs, car toutes les guerres qu'il peut avoir avec ses voisins ne lui peuvent être certainement avantageuses, par la raison qu'il est trop enclavé des voisins, et que ses pays n'ont plus une assez grande suite, et qu'il peut être attaqué par plus d'un côté, et que, pour se défendre de toutes parts, il faudrait employer tout le corps d'armée à la défense, et qu'il ne resterait rien pour agir à l'offensive. Ayant donc posé ce système-ci pour le maintien de sa grandeur, il serait d'un très-mauvais politique et d'une personne privée de toute invention et imagination d'en rester là, car quand on n'avance pas (je parle des affaires générales), on recule.
Le second système qui sort donc naturellement de ce fondement doit être pour procurer de plus en plus de l'agrandissement à la maison; et ayant déjà dit que les pays prussiens sont si entrecoupés et séparés, je crois que le plus nécessaire des projets que l'on doit faire est de les rapprocher, ou de recoudre les pièces détachées qui appartiennent naturellement aux parties que nous possédons, telle qu'est la Prusse polonaise, qui a appartenu de tout temps au royaume, et qui n'en a été séparée que par les