<302>ce que le destin en a ordonné, je voudrais changer le vôtre. C'est temps perdu que d'y penser, et peine perdue que de le dire. Après cela, n'est-il pas superflu de vous réitérer les assurances de la parfaite estime qu'on ne saurait vous refuser, et avec laquelle je suis à jamais,
Mon très-cher Diaphane,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Frederic.
ÉPITRE A MON CHER DE SUHM.
Interprète charmant de la philosophie,
Quel démon, t'arrachant de ces paisibles lieux,
Dans les climats glacés de la triste Russie,
Jusqu'aux limitrophes d'Asie,
Te fait chercher de nouveaux cieux?
Serait-ce l'indigence à l'aspect odieux,
Qui, d'Horace accordant la lyre,
Lui fit parler jadis le langage des dieux
Que dans ses vers harmonieux
L'univers entier admire?
De deux princes puissants serrant le nœud sacré,
Du pope et du boyard vous serez révéré.
Mais quand de votre esprit la science profonde
Vous vaudrait les honneurs et les biens de ce monde,
De plus, un nom fameux, du gazetier chanté,
Que vous serviront-ils, si, perdant la santé,
Vous allez, grelottant dans ces froides contrées,
Voir changer en glaçons les mers hyperborées?
Mais si de ce projet le coté séducteur
Vous enchante, pour moi, j'en vois toute l'horreur;
Je vois de vos beaux jours la brillante carrière
Finir avant le temps, et sa main meurtrière,
Exerçant sur vous ses rigueurs,
Inflexible à mes pleurs et sourde à ma prière,
Vous abîmer dans ses fureurs.
M'apprendrez-vous si votre âme immortelle
Existe après le corps, triomphe des erreurs?