49. DE M. DE SUHM. (No 5.)
Pétersbourg, 16 avril 1737.
Monseigneur
Je viens de recevoir la gracieuse lettre dont Votre Altesse Royale m'a honoré le 23 du mois passé, no 3. La part qu'elle a daigné prendre aux dangers que j'ai courus, aux fatigues que j'ai essuyées, m'a louché jusqu'au fond du cœur. Bien que je vive assez tranquille aujourd'hui, et assez bien portant, elle ne laisserait pas, j'en suis persuadé, de me plaindre, si elle pouvait me voir ici au plus fort de l'hiver encore dans le milieu du mois d'avril, la Néva gelée, la campagne couverte de neige, sans l'espérance même de voir dans un mois d'ici ni eau ni terre. Heureusement pour moi que la description de l'air que V. A. R. respire a fait glisser dans mes veines une douce chaleur qui me soutient, et me met en état de braver tous les frimas. Cependant elle m'a aussi vivement fait sentir tout ce que j'ai perdu; et que ne perd-on pas quand on s'éloigne de V. A. R.! La seule consolation que je puisse goûter dans l'éloignement où je me trouve d'elle est celle que je trouve dans les assurances qu'il lui plaît de me donner encore de la constance de ses bonnes grâces.
La douceur de la vie que mène V. A. R. dans sa charmante retraite contribue beaucoup à la tranquillité de la mienne; mais elle ne me rendra parfaitement heureux que quand j'aurai le bonheur d'en être témoin. C'est à cet égard que la connaissance figurée ne vaudra jamais l'intuitive, n'en déplaise au grand Wolff, que j'ai été obligé de négliger un peu, mais que je ne perdrai jamais de vue.
V. A. R. a donc communiqué ma traduction de la Métaphysique? L'approbation que d'autres y donnent ne saurait flatter le traducteur, puisqu'il avait déjà celle de V. A. R., qui lui tient lieu de toutes les autres; et il abandonne volontiers son ouvrage, pourvu, monseigneur, que vous n'abandonniez jamais l'auteur.
Je compte dans peu faire retentir le bienheureux et tranquille séjour que la présence du prince le plus accompli rend si fortuné