<351>d'épancher dans le sein de mon auguste et adorable ami tous les sentiments dont mon âme est pénétrée pour lui, dont elle se nourrit, et qui font l'essence de sa vie. O monseigneur! quand pourrai-je avoir ce bonheur à vos pieds? Voilà un an et plus d'absence, et les absences ne sont guère favorables aux absents. Toutefois qui sait (ô amour-propre! tu falsifies à notre insu tous nos sentiments, toutes nos opinions, par le mélange secret et presque imperceptible de notre présomption; tu fascines sans cesse nos yeux d'un prestige adulateur, et, nous empêchant d'être sincères envers nous-mêmes, tu nous mets ainsi hors d'état de nous bien connaître!) qui sait donc, voulais-je dire, si ce n'est pas à cette absence même dont je me plains, que je suis redevable de la constance de vos bonnes grâces? Qui sait si ma présence et l'occasion d'être mieux connu ne détruirait pas bientôt dans l'esprit de V. A. R. l'idée favorable qu'elle a bien voulu y recevoir de moi? Je veux me pénétrer de cette pensée; peut-être m'aidera-t-elle à supporter mon éloignement.
Quoi qu'il en soit des droits que peut me donner mon chétif mérite à la constance de vos précieuses faveurs, et quand même tout me dirait que je dois y renoncer de ce côté, je sens qu'il me restera cependant toujours encore un droit sacré à votre amitié, que rien au inonde ne pourra jamais m'enlever, et qui seul peut en mériter le retour; j'entends celui que me donne mon religieux attachement, mon tendre, respectueux et entier dévouement à votre sacrée personne; et c'est ce droit, monseigneur, que j'ose faire valoir en vous suppliant de me conserver votre précieuse bienveillance, vous jurant que personne au monde ne peut s'en rendre plus digne que moi par ses sentiments de tendresse, de vénération et de dévouement, etc.