<58>vous priant d'être bien persuadé que je suis bien sincèrement et cordialement, etc.
15. AU MÊME.
Ruppin, 11 septembre 1732.
Mon très-cher général,
Vous m'avez fait une peur terrible, mon cher général, en m'envoyant les Ca....., et je serais resté dans un silence éternel, si la lettre que je viens de recevoir ne m'avait rassuré. Nous sommes ici dans une paix profonde, et je souhaiterais de n'être toute ma vie ni plus heureux, ni moins; je me contenterais volontiers de mon sort, pourvu que la paix l'accompagne, et que je puisse jouir de ma vie en tranquillité et sans inquiétude. Que je n'estimerais pas les sottises dans lesquelles le inonde fait consister sa vanité! et quel tort n'a-t-on pas de ne se point contenter d'un juste milieu qui est, à mon avis, l'état le plus heureux! Car le trop de grandeur est à charge et fatigue infiniment, et l'indigence rabaisse trop une certaine noblesse qui se trouve ordinairement pour base de nos caractères. Mais je m'estime heureux dans la situation où le ciel m'a bien voulu mettre; je trouve que j'ai plus que je ne mérite, et je fais consister mon plus grand bonheur dans la connaissance que j'en ai. Néanmoins, je n'oublie pas mes bons amis qui contribuent à m'assurer ma sécurité, et je vous prie par conséquent de faire bien mes assurances d'amitié au comte de Seckendorff; tout errant qu'il est, je suis fortement persuadé qu'il n'oublie pas ses amis. J'espère que s'il va en Danemark, entre ci et Hambourg, il me fera le plaisir de vouloir bien prendre un repas chez moi : tout ce que j'ai de délicieux sera servi en abondance, et je n'épargnerai ni perdrix ni chevreuil, et le Champagne rouge coulera; enfin je ferai tous mes efforts pour bien recevoir un bon ami, et le meilleur plat que je lui pourrai présenter sera la bonne volonté de l'hôte. Je suis persuadé qu'il s'en contentera, et j'espère qu'il en sera persuadé.