LA FILLE DE M. DE GRUMBKOW A SON PÈRE.
Quedlinbourg, 29 août 1732.
Pour m'acquitter de mon devoir et en même temps pour exécuter ses ordres, j'ai l'honneur de lui mander que j'ai trouvé la princesse promise fort changée à son avantage depuis deux ans que je ne l'ai vue. Il est vrai que, quand elle est devant madame sa mère, elle n'ouvre pas la bouche, et rougit toutes les fois qu'on lui parle, ce qui vient de ce qu'elle est tenue fort rigidement et n'a aucune liberté, pas même de recevoir les dames dans sa chambre, qui veulent lui faire la cour; il faut que cela soit en présence de la Duchesse. Pour moi, qui ai eu l'honneur de parler avec elle aux redoutes, où elle était seule et pas gênée, je puis assurer papa qu'elle ne manque ni d'esprit ni de jugement, et qu'elle raisonne sur tout très-joliment, et est compatissante, paraissant avoir un très-bon naturel. Elle aime fort à se divertir, et on a trouvé qu'elle dansait bien; pour très-bon air, je ne puis pas dire qu'elle l'a, et elle se laisse fort aller. Je crois que si elle avait quelqu'un qui le lui dise, que cela se changerait bientôt, car personne n'y prend garde. Au reste, Berlin lui plaît beaucoup, et elle souhaiterait fort d'y retourner, car, selon qu'il paraît, elle désire le jour de ses fiançailles. La duchesse de Bevern a été très-mal, et ne se porte pas encore bien. Elle m'a fait la confidence qu'elle était attaquée de la gravelle, et qu'elle avait déjà rendu une pierre. Pour la duchesse régnante, elle se porte parfaitement bien, mais elle devient de jour en jour plus despotique; je crains que ce ne soit de courte durée, car le duc régnant devient fort vieux, et a une très-méchante toux qu'on craint beaucoup qu'elle ne lui joue un mauvais tour. Pour lui, il est fort aimé, et l'on s'étonne fort de sa patience. Ils nous ont tous comblés de leurs grâces par mille honnêtetés et distinctions.