98. A M. DE SUHM.
Berlin, 13 avril 1740.
Mon cher Diaphane,
Votre lettre m'a causé beaucoup de joie, y voyant la constance de vos sentiments, dont à la vérité j'avais cru pouvoir me flatter, mais dont la confirmation n'a pas laissé de m'être très-agréable. Attendez encore, mon cher, une dernière lettre de ma part pour agir en conséquence de vos engagements; mais, en attendant, <390>préparez tout pour ne point laisser languir l'amitié que j'ai pour vous. Nous sommes ici sûrs du crinoménon; il ne s'agit à présent que du critérion.427-a Peu de temps nous mettra au fait, et vous pouvez toujours prendre vos mesures, quitte à différer leur exécution de quelques semaines.
Vous pouvez bien juger que je suis assez tracassé dans la situation où je me trouve. On me laisse peu de repos, mais l'intérieur est tranquille, et je puis vous assurer que je n'ai jamais été plus philosophe qu'en cette occasion-ci. Je regarde avec des yeux d'indifférence tout ce qui m'attend, sans désirer la fortune ni la craindre, plein de compassion pour ceux qui souffrent, d'estime pour les honnêtes gens, et de tendresse pour mes amis. Vous que je compte au nombre de ces derniers, vous voudrez bien vous persuader de plus en plus que vous trouverez en moi tout ce qu'Oreste trouva jamais dans Pylade, et que personne ne saurait avoir plus d'estime et d'amitié pour vous que
Votre fidèle
Federic.
427-a Voyez ci-dessus, p. 17 et 168.