<114>La lettre de V. M. me fait frémir; trois batailles, quatre assauts, cent escarmouches ne font pas trembler Jordan, mais ils épouvanteraient le diable.
Vous aimez le bruyant tumulte
De Bellone et du champ de Mars;
Quoique à ses traits toujours en butte,
Vous n'aimez que ses étendards.
Les dons précieux de Minerve
Et les biens sacrés de Cérès,
Tout ce bonheur ne se réserve
Qu'aux chers ministres de la paix.
V. M. me fait bien de l'honneur, ou plutôt elle se moque bien de moi en me parlant de Gamaliel qui étudie l'art de la paix. Que je suis heureux quand V. M. est à Berlin ou à Rheinsberg! Je partage mon temps entre le plaisir de servir V. M. et celui du loisir agréable de ma retraite.
Là, tranquille en ma retraite,
J'attends les décrets du destin;
Ma joie n'y est point inquiète
Entre Bacchus et ma catin.
Il n'y a que le besoin des hôpitaux et de la conférence qui fait que je pense à Berlin.
L'hôpital de la Charité
Humblement Jordan vous demande,
Qui n'est d'aucune utilité
Partout où Bellone commande.
Conquérant de la Silésie,
Prince guerrier, quoique bénin,
Je vous conjure et vous supplie
De m'envoyer vite à Berlin.
Tout m'attriste en cette contrée;
L'on n'y boit que de mauvais vin,
L'on n'y voit que fille infectée :
Que ne puis-je aller à Berlin!
L'on ne parle ici que de guerre
Et le soir, et dès le matin;
Mars est le dieu qu'on y révère :
Que ne puis-je aller à Berlin!