<115>Le bruit du canon me réveille,
Le cri du soldat inhumain
Ne permet pas que je sommeille :
Que ne puis-je aller à Berlin!
Ce qui m'engage à demander cette grâce à V. M., c'est qu'on assure ici la paix comme une chose certaine. Cela me fait tourner la cervelle de joie. Je veux célébrer ce beau jour dans l'endroit où je brille le plus, dans ma bibliothèque, où mes livres ne disent mot, et écoutent mes pauvretés; et on assure que dans peu Berlin aura le bonheur de voir V. M.
J'ai l'honneur d'être, etc.
66. A M. JORDAN.
Camp de Grottkau, 5 juin 1741.
Déjà vous tremblez à Breslau,
Lorsque nous marchons à Grottkau,
Et les siéges et les batailles
Vous attendrissent les entrailles.
En un mot, paisible Jordan,
Jamais aucun lièvre en son gîte
Ne s'apprête à courir si vite
Que vous, quand vous levez le camp.
Mais raisonnons, je vous en prie.
Que devient donc en ce moment
Cette grave philosophie
Dont vous nous parlez si souvent,
Et ce stoïcisme insolent
Qui vous fait mépriser la vie
Quand le danger n'est pas présent?
Le canon gronde, et son tonnerre
Ébranle le fond de la terre;
Il tombe une grêle de fer,
Le plomb vole et remplit tout l'air,
Et la mort qu'enfante la guerre