7. DE LA MARQUISE DU CHATELET.
Cirey, 16 février 1789.
Monseigneur,
Je reçois dans le moment la lettre dont Votre Altesse Royale m'a honorée. Je ne puis vous exprimer, monseigneur, la joie que j'ai de ce que V. A. R. est résolue à donner quelques moments de son loisir à la physique. L'étude de la nature est une occupation digne de votre génie, et je suis persuadée que cette carrière nouvelle vous fournira de nouveaux plaisirs. Pour moi, je suis bien sûre qu'il m'en reviendra des instructions. Si je ne craignais pas de vous importuner, je prierais V. A. R. de m'instruire du chemin qu'elle compte suivre dans cette étude. Je me flatte bien que la philosophie newtonienne sera celle que vous étudierez; Newton et son commentateur méritent cet honneur également.
Il n'y a pas moyen de soutenir davantage l'embrasement des forêts par le vent, puisque V. A. R. persiste à le croire impossible, et que M. de Voltaire est contre moi. Je trouve que ce qu'il mande sur cela à V. A. R. vaut mieux que tout mon ouvrage. Je suis plus hardie sur ce qui concerne le fleuve qui gèle, l'été, en Suisse; car je n'ai assuré sur cela autre chose, sinon que Scheuchzerus rapporte que, dans l'évêché de Bâle, il y a un fleuve qui gèle l'été et coule l'hiver. Il y a des montagnes couvertes de glaces dans le Pérou, entre le 23e et le 24e degré de latitude, qui ne fondent jamais, et M. de Tournefort, dans son voyage du Levant, rapporte qu'à Trébizonde il gelait toutes les nuits, au mois de juillet, jusqu'au lever du soleil. Cependant les régions sont plus méridionales que les nôtres, et le soleil est par conséquent beaucoup plus longtemps sur l'horizon; et M. de Tournefort, qui a examiné la terre des climats, l'a trouvée très-chargée de sels et de nitre. Ce que V. A. R. dit sur les grottes de Besançon est très-vraisemblable; mais ces deux causes, les parties nitreuses que la chaleur du soleil fond et fait couler dans les grottes, et la terre qui en forme le lit, qui abonde vraisemblablement aussi en nitre et en sels, contribuent à ce phénomène. Mais il me semble qu'il ne s'ensuit pas que les fleuves dussent