97. AU MÊME.
Znaym, 25 février 1742.
Mon cher Jordan, à en juger par vos lettres, vous êtes l'homme du monde le plus occupé; vous croquez des nouvelles, et vous paraissez avare de votre temps. Peut-être rédigez-vous un in-folio en un in-douze, car j'ai trop bonne opinion de vous pour vous croire capable d'écrire un gros livre.
Si vous jugez, au contraire, d'après mon bavardage, vous vous imaginerez que je suis ici désœuvré et, pour tout passe-temps, occupé à votre contenance favorite. Mais non, je puis vous confier entre nous qu'il ne s'agit pas de moins que de porter de grands coups à la maison d'Autriche, et que, de la façon dont les choses vont, peut-être peu de semaines seront d'une décision infinie dans les affaires de l'Europe. Mes hussards approchent jusqu'à quatre milles de Vienne. Lobkowitz fuit, Khevenhüller accourt, enfin la confusion est totale chez l'ennemi.
Dites à Keith que j'ajouterai quelque chose à sa pension pour le contenter, et que j'espère qu'alors il me donnera du repos.
Adieu. Souviens-toi que j'aime autant les longues lettres que je hais les gros ouvrages. Ne m'oublie pas, et dis à Keyserlingk qu'il est un ingrat, un paresseux, un perfide d'oublier les absents; mais ce n'est pas le premier à qui l'amour a fait tourner la tête. Adieu.
98. AU MÊME.
Znaym, 28 février 1742.
Cher Jordan, MM. les hussards m'ont escamoté le plus joliment ou, pour mieux dire, le plus vilainement du monde des lettres où il y en avait une pour vous. Savoir si l'ennemi en profitera. C'est de quoi je doute, car, autant que je m'en ressouviens, c'était