<175>Ainsi n'est pas favori du dieu qui veut; il faut être son courtisan assidu, et avoir par-dessus tout une physionomie sémillante et un certain je ne sais quoi du goût d'Apollon.

Adieu, mon cher; je n'ai pas le temps de vous dire d'autres pauvretés.

116. DE M. JORDAN.

Le 12 (17?) avril 1742, le second beau jour de l'année.



Sire,

J'ai reçu la lettre dont il a plu à Votre Majesté de m'honorer, qui était de Prossnitz. Comme je porte ordinairement en poche la Silésie, la Moravie, la Bohême, l'Autriche, la Bavière, la Hongrie et la Turquie, je suis toujours à portée de suivre l'armée redoutable de V. M.

Je crains qu'augmentant vos conquêtes,
Il ne faille grossir un peu trop mon atlas,
Et que tous les progrès qu'heureusement vous faites
Ne soient pour vous de séduisants appas.

C'est bien alors que je pourrais dire comme Bias, Je porte tout avec moi, puisque j'aurais toute l'Europe en poche.

Les Bohémiens, qui vous voient entrer dans leur pays sans chapelets ni rosaires, doivent avoir une bien mauvaise idée de leurs saints, qui ne branlent point, et qui voient fort tranquillement agir l'armée de V. M.

Et que font donc ces célestes maroufles
Dans leur riant et splendide manoir?
Ils n'ont pas plus d'esprit que mes pantoufles,
Puisqu'ils n'ont pas l'art de vous décevoir.

Je crois que vous avez le secret de les enchanter, comme les sirènes, qui enchantent par la douceur de leur mélodie. Je me défie diablement des poëtes et de l'effet de leur poésie. Vous leur adressez sans doute quelques prières en beaux vers par lesquels vous captivez leur bienveillance.