<21>publique une lettre qu'il lui a plu de m'écrire, que je ne lui demandais pas, et qu'il a montrée non seulement sans ma permission, mais même contre mes ordres. Je ne cache point à V. A. R. combien j'en ai été offensée, et je ne crois pas qu'il s'avise davantage de compromettre ainsi mon nom. Je ne doute point que la lettre que V. A. R. lui a fait écrire ne le fasse rentrer dans son devoir, et j'ose assurer qu'il en avait besoin. Il est vrai que c'est une âme de boue; mais quand la faiblesse et l'amour-propre font faire les mêmes fautes que la méchanceté, ils sont aussi condamnables. Je crois, monseigneur, que vous faites bien de la grâce à sa vertu de la comparer à quelque chose; mais j'avoue que, sans application, votre comparaison du thermomètre m'a paru charmante. Elle est très-juste pour la plupart des hommes; elle a, de plus, un petit air de physicien qui me plaît infiniment. Mais, monseigneur, j'aurais bien quelques reproches à faire à V. A. R. sur la dernière lettre quelle a écrite à M. de Voltaire; j'avais cru que la physique serait dans mon département, mais je sens bien que ce Voltaire est ce que les Italiens appellent cattivo vicino.

L'expérience de la montre sous le récipient est très-ingénieuse; elle a été faite à Londres par M. Derham, et V. A. R. peut en voir le détail et le succès dans les Transactions philosophiques, no 294.a La privation de l'air ne causa aucune altération au mouvement de cette montre, ce qui est une belle preuve contre l'explication que les cartésiens donnaient du ressort; car, si la matière subtile en était la cause, l'air, qui est une matière très-subtile, devrait y contribuer. Il y a d'ailleurs d'autres raisonnements qui prouvent, premièrement, que cette matière subtile n'existe pas, et, secondement, que, quand elle existerait, elle ne pourrait causer le ressort. Mais, monseigneur, on est bien embarrassé pour savoir ce que c'est que le ressort. M. Boyleb l'a expliqué par l'attraction; mais je ne sais si son explication est satisfaisante, car l'attraction n'est pas toujours bonne à toute sauce, et on en a un peu abusé dans ces derniers temps. J'ai bien peur qu'il ne faille recourir à


a Philosophical Transactions. London, 1706, in-4, t. XXIV (1704, 1705), no 294. p. 1785.

b Robert Boyle, célèbre physicien anglais, mort en 1691.